Ed. La Rumeur libre, 2024

112 pages

PubliĆ© le : 05/10/2024

2 minutes

lu

NaƮtre au rien

Suivi d’Izieu

Jonathan Chanson

Un auteur inconnu, un titre provocant suivi du nom tragique d’Izieu, il n’en faut pas davantage pour se sentir aimantĆ©. Il s’agit du premier ensemble poĆ©tique d’un presque quarantenaire, comĆ©dien, metteur en scĆØne de nombreux spectacles ; l’un d’eux a engendrĆ© l’ouvrage qui hĆØle Ć  l’instant. NaĆ®tre au rien entraĆ®ne dans une coulĆ©e de poĆØmes brefs avec majuscule Ć  l’initiale des vers non rimĆ©s dont l’absence de ponctuation favorise la polysĆ©mie.

Ā« Tu me dĆ©ranges donc tu existes Ā», dĆØs lors on ne rĆ©siste pas Ć  cette voix modeste, apparemment naĆÆve, qui suscite un kalĆ©idoscope sensoriel. On ne sait pas trop où l’on va, portĆ© par le refrain du titre Ā« naĆ®tre Ā» et surtout Ā« rien Ā», mais on poursuit sans hĆ¢te. Comme Rainer Maria Rilke le suggĆ©rait, ce poĆØte nourrit ses vers d’une expĆ©rience riche et vibrante ; il accorde une valeur au moindre brin d’existence. Alors que le glauque, le violent et le complaisant ont volontiers les faveurs, lui cĆ©lĆØbre une douceur sans miĆØvrerie : Ā« Ne pas oublier / La bienveillance / Ils se taisent / Ɖcoute dans ce silence / L’effroi des Ć¢mes / Le difficile transport / Les rencontres de tendresse. Ā» Les 65 pages du poĆØme morcelĆ© sont complĆ©tĆ©es par 13 pages continues, marquĆ©es par la tragĆ©die des fusillĆ©s d’Izieu, dont 44 enfants, sur ordre de Klaus Barbie en 1944. La tonalitĆ© grave trouve son contrepoint dans l’évocation d’une enfance inviolĆ©e : Ā« Comme les silencieux / Vous hantez nos rĆ©cits / Plus vivants que la pierre / Plus puissants que le souvenir des jardins. Ā» Cet ajout n’est pas sans lien avec la premiĆØre partie Ā« Quand je pense que rĆ©ellement / Je mourrai / qu’inĆ©vitablement, je mourrai / Qu’il n’y aura plus rien / Quand je pense Ć  vous / Je fais le dĆ©tour. Ā»

Colette Nys-Mazure

PubliƩ dans le numƩro Etudes 4318 (Septembre 2024)

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