
Etienne de Rocquigny
Mathématicien, accompagnateur d’organisations pour une transformation IA sensée

Etienne de Rocquigny
Mathématicien, accompagnateur d’organisations pour une transformation IA sensée
enseignement social
Réinventer la dignité du travail humain dans un monde d’IA
Mettre l’IA au service de la dignité humaine et du bien commun, voici l’ambition de l’initiative mondiale Rerum Novairum. Son fondateur nous explique.
Dès le troisième jour de son pontificat, le nouveau pape Léon XIV lance un appel : « L’Église offre à tous son héritage de doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle, celle de l’IA. » Une initiative qui prolonge les discernements du pape François, notamment la Lettre Antiqua et Nova, publiée à l’orée du sommet mondial de l’IA en février dernier. Mais l’ambition est cette fois solidement installée dans le nom même du nouveau pape.
Il était temps. Car l’IA n’est rien moins qu’une provocation anthropologique, un véritable défi spirituel, que l’on se reconnaisse ou non dans une religion établie.
La pensée sociale chrétienne comme boussole
Héritière de deux millénaires d’anthropologie, philosophie du droit et de l’économie ainsi que d’approfondissement spirituel, la pensée sociale chrétienne (PSC) refuse un matérialisme techno-solutionniste réducteur.
Elle rappelle que le bien commun est d’abord un ensemble de conditions permettant à chaque personne d’atteindre sa finalité, y compris spirituelle. Ce n’est ni un PIB, ni un taux de couverture santé ni un indicateur climatique. C’est une réalité incarnée et centrée sur la personne, fin unique de l’économie.
De même, le travail : avant d’être une nécessité économique, il est ce qui fait grandir la personne et nourrit sa dignité. Rien de pire qu’un monde oisif et servi par des machines. Et l’IA, bien qu’extrêmement puissante, n’aura aucun autre sens que celui qu’on lui donnera.
La dignité humaine menacée
La personne humaine, au cœur de la pensée sociale chrétienne, est menacée par la tentation de médiation anthropomorphe, irrésistible et addictive. Dis-moi GPT, que dois-je faire, qui dois-je croire, qu’est-ce que la vérité ? Dans un tel contexte, il faut prendre à bras le corps toute la profondeur du discernement et renouveler à l’ère algorithmique les principes dans un monde vertigineux dont les repères vacillent si rapidement.
Il est temps que des entrepreneurs et leaders, qui sont les véritables moteurs de la transformation par l’IA tant celle-ci est dominée par des méga-entrepreneurs, s’en emparent et développent un juste usage, un cap équilibré, des pratiques courageuses centrées sur les personnes humaines.
De nombreux exemples concrets montrent que, par sa puissance indéniable d’efficacité, l’IA justement utilisée peut servir effectivement significativement la décarbonation des bâtiments, l’écologie intégrale et l’économie circulaire ou encore un choc d’accessibilité des soins dans les pays les plus pauvres. Voire même l’approfondissement des relations authentiques en ré-humanisant certains métiers noyés par la bureaucratie.
Mais pour cela, il faut du courage, de la discipline, et une pédagogie de discernement apprenante, pour éviter la “lobotomisation” des cœurs et des consciences dans un monde totalement inédit de machines cognitives.
Rerum Novairum, transformer les entreprises pour servir sans asservir
C’est le point de départ de Rerum Novairum, un forum non-profit pour mettre en commun les témoignages de terrain de dirigeants tentant d’ajuster l’IA au plus près de leur quête de renouvellement du travail : “Servir sans asservir”.
Héritant du cheminement du think-tank français “Espérance et Algorithmes”, ce forum invite à discerner à travers l’anthropologie biblique et la pensée sociale chrétienne des lignes d’espérance par un juste usage de l’IA, centré sur la personne humaine.
Sur le modèle de l’open source, Rerum Novairum appelle à constituer un cadre mondial de partage des bonnes pratiques inspirées par la PSC par une communauté internationale de dirigeants, professionnels et entrepreneurs de bonne volonté se faisant disciples en cette nouvelle révolution économique. Et, sur cette base profondément nourrie par une quête spirituelle, un accompagnement professionnel laïc des transformations dans la réalité humaine et économique des organisations.
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Les piliers de Rerum Novairum
Dignité Humaine : Placer la personne humaine au centre de toute innovation technologique.
Bien Commun : Orienter l’IA vers des solutions qui bénéficient à toute la société, en particulier aux plus vulnérables.
Solidarité & Subsidiarité : Promouvoir une IA qui renforce les communautés et soutient l’autonomie des personnes et des groupes.
Travail Juste : Façonner un avenir où la technologie augmente les capacités humaines et soutient un travail digne.


