Aude pélisset

Gériatre à l’hôpital de Roubaix, en équipe mobile de gériatrie

Aude pélisset

Gériatre à l’hôpital de Roubaix, en équipe mobile de gériatrie

Publié le : 21/07/2025

2 minutes

témoignage

Regard d’une gériatre sur la fin de vie 

Alors que les débats sur projet de loi relatif à la fin de vie se font plus vifs, Aude Pélisset nous partage ses craintes de professionnelle accompagnant la fin de vie au quotidien. 

En tant que gériatre, je prends en charge les personnes âgées les plus fragiles, diminuées par des pathologies sévères dont les troubles cognitifs, et devenant dépendantes pour les gestes du quotidien. Même si ce n’est pas le cœur de mon métier, accompagner la fin de vie fait partie intégrante de mon quotidien. 

Les questions soulevées par la société sur la fin de vie et le droit à mourir dans la dignité tendent à montrer que la mort n’est pas si taboue que ça dans notre société.  

La mort, un soin parmi d’autres ? 

La question d’autoriser l’euthanasie ou le suicide assisté est éminemment complexe. De mon point de vue de professionnelle, la perspective de proposer la mort comme un soin parmi d’autres m’effraie.  

Dans ma pratique, je constate que la demande de mort est souvent ambivalente.  Il faut savoir entendre les demandes d’attention ou de sollicitude, l’expression d’angoisse ou de découragement qui sont sous-tendus.

J’ai ainsi évalué récemment une patiente très âgée, qui a dû être mise sous dialyse il y a six mois ; depuis, son état général s’est profondément altéré, la dialyse l’épuise. Elle exprime régulièrement à ses proches et ses soignants sa lassitude et son souhait de mourir. Son néphrologue s’est donc questionné sur un arrêt de la dialyse, source de son inconfort bien que vitale. Lors de notre échange, la patiente m’a rapporté sa souffrance de se sentir diminuée, le courage et l’énergie que lui demandent ces séances ; l’expression du souhait de mourir est sa manière de faire entendre sa réalité. Parallèlement, elle souhaite catégoriquement poursuivre les soins qui la maintiennent en vie. 

La mort comme alternative à des soins de qualité 

Je crains aussi que confrontée à des réalités économiques difficiles et face aux coûts croissants liés au vieillissement de la population (financement des soins, des retraites, de la dépendance), notre société n’investisse plus dans la qualité et l’accès aux soins, en proposant la mort en alternative.  

Je comprends les motivations de ceux qui promeuvent le texte, mais je crains les dérives notamment auprès des plus fragiles et vulnérables. 

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