Daphné Vauclin

DRH et coach interne

Daphné Vauclin

DRH et coach interne

Publié le : 29/06/2015

4 minutes

point de vue

Promettre un avenir est-ce toujours mentir ?

Et si le consentement à l’incertitude en entreprise remplaçait les promesses d’un avenir sous contrôle, en grande partie vouées à l’échec ? Daphné Vauclin, DRH, nous partage son point de vue sur la nécessité de miser sur le collectif humain plutôt que sur les résultats.

En entreprise, de nombreuses promesses sont faites, sincères, mais pas toujours suivies d’effets. Aux candidats, salariés, investisseurs, actionnaires, nous promettons inlassablement un avenir radieux, balisé par des plans triennaux et des présentations PowerPoint.

Ce n’est pas malhonnête. C’est ainsi que le système fonctionne. Mais au fond, n’est-ce pas souvent entretenir l’illusion d’un contrôle absolu sur les choses ?

Nous faisons souvent semblant que l’incertitude n’existe pas

Nous construisons des feuilles de route fondées sur des hypothèses. Nous nous forgeons des convictions que nous portons avec sincérité, parfois même avec passion. Parce que c’est ainsi que l’on conçoit un bon leadership : donner un cap, fixer une direction. Nous souhaitons tellement que le plan se déroule sans accroc que nous oublions parfois de préciser que nous ne sommes pas tout-puissants et que nous n’avons d’autre choix que de naviguer à vue avec les éléments dont nous disposons à cet instant.

Or bien souvent le réel ne se soumet pas docilement à nos désirs. Il ne suit pas le plan. Il déborde, bouscule, échappe à nos prévisions. Une technologie vient bouleverser un marché, un concurrent impose un virage, des tendances de fond se révèlent plus puissantes qu’anticipé. Et tout est à revoir.

Même quand l’incertitude devient impossible à nier, nous continuons à la voir comme une anomalie passagère. Une phase temporaire. Une parenthèse avant le retour à la normale. Comme si, à force d’efforts et d’adaptation, nous allions enfin atteindre cet « après Â» apaisé, ce rythme de croisière tant espéré.

Cette illusion nous pousse jusqu’à l’épuisement

Car cette accalmie n’arrive jamais vraiment. À peine une crise passée qu’une autre commence. Le cadre évolue, les règles changent, les attentes bougent.

Alors on retient son souffle. On avance en apnée, en attendant que le chaos passe. Et pendant ce temps, on s’épuise. Une fatigue sourde s’installe. Comme si la « vraie vie Â» était sans cesse repoussée à demain. Il y a, bien sûr, des éclaircies, des succès, des moments d’élan, des bonnes surprises. Mais la trajectoire n’est jamais linéaire. On ne fait les compte qu’à la fin.

Une psychologue m’a dit un jour quelque chose que je crois très vrai : « L’équilibre n’est pas un état stable. Â» Le plateau de la balance est toujours en mouvement. Il penche tantôt à gauche, tantôt à droite. Et ce n’est qu’après coup, en regardant le chemin parcouru, que l’on peut apprécier une forme d’équilibre global.

Miser sur le collectif humain

Face aux candidats en processus de recrutement, je choisis de dire la vérité. Je parle d’une entreprise traversée par des moments de déstabilisation, des imprévus, sans aucune garantie. Mais je parle surtout de l’équipage à la barre. Des personnes. De leur matière intérieure : leur résilience, leur courage, leur lucidité, leur loyauté. Je leur dis : « Je ne peux pas vous dire avec certitude où nous allons. Mais je peux vous dire avec qui Â». Et cela convainc.

Dans un monde où la stabilité est une illusion, le vrai luxe est peut-être là : travailler au sein d’un collectif solide, capable d’affronter ensemble ce qui vient. Un projet d’entreprise n’est pas un plan figé. C’est un système vivant.

Peut-être faut-il lâcher un peu l’idée d’un futur parfait. Et retrouver l’attention à ce qui se vit, ici, maintenant.

Rien de solide ne se construit sans apprendre à habiter pleinement le présent tel qu’il est : un espace souvent incertain, parfois terrifiant mais où tout reste à écrire. Tant que nous restons obsédés par la destination, les yeux rivés sur une ligne d’arrivée toujours mouvante, nous risquons de passer à côté de la joie du chemin : celle que l’on puise chaque jour dans la force du collectif, la vérité des relations, la fierté des nouveaux apprentissages.

Alors peut-être faut-il lâcher un peu l’idée d’un futur parfait.
Et retrouver l’attention à ce qui se vit, ici, maintenant.

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