Pauline Fossat

Equipière MCC, magistrate

Pauline Fossat

Equipière MCC, magistrate

PubliĂ© le : 13/11/2018

5 minutes

témoignage

Pauline Fossat, une magistrate soucieuse de l’humain

Ă€ bientĂ´t 35 ans, Pauline Fossat est riche d’une expĂ©rience professionnelle variĂ©e qui lui a fait prĂ©fĂ©rer la proximitĂ© du terrain et les postes oĂą le matĂ©riau principal est la pâte humaine. Elle confie ses motivations et la façon dont elle vit son mĂ©tier de juge.

Responsables : On ne rentre pas dans la magistrature par hasard. Était-ce une vocation ?

Pauline Fossat. Pas exactement, du moins au dĂ©but. Ă€ ma sortie de Sciences-Po, j’étais attirĂ©e par l’étranger. Après une expĂ©rience de « technocrate Â» Ă  la Commission europĂ©enne et d’assistante parlementaire au Congrès amĂ©ricain, j’ai ressenti le besoin d’une activitĂ© plus directement liĂ©e au terrain. RentrĂ©e Ă  Paris, j’ai Ă©tĂ© reçue au concours de la magistrature et j’ai entamĂ© une formation de deux ans et demi, très variĂ©e et riche humainement qui m’a permis de dĂ©couvrir un monde nouveau. Mon premier poste de juge d’application des peines Ă  Amiens a comblĂ© mon dĂ©sir de me centrer sur l’humain.

Parlez-nous un peu plus de ce monde nouveau…

P.F. Cette expĂ©rience rĂ©cente a Ă©tĂ© l’occasion de comprendre ce qu’est une terre de mission. En Picardie la prĂ©caritĂ© est grande ; le chĂ´mage est un flĂ©au qui se transmet de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration ; les voies de communication sont si peu nombreuses que rĂ©pondre Ă  une convocation Ă  Amiens relève parfois du dĂ©fi. J’ai aimĂ© ce travail qui rĂ©clamait une prĂ©sence d’un Ă  deux jours par semaine en prison. ConfrontĂ©e Ă  des situations de libĂ©ration anticipĂ©e, au suivi de gens condamnĂ©s mais non incarcĂ©rĂ©s pour des infractions Ă  caractère social et sexuel, j’ai dĂ©couvert la misère sociale en relation avec des professionnels très variĂ©s : police, travailleurs sociaux, experts psychiatres.

Le juge d’application des peines est le seul Ă  ne pas ĂŞtre en robe car il n’y a pas de formalisme au sein de son cabinet ; j’ai apprĂ©ciĂ© la libertĂ© de manĹ“uvre dont je disposais. J’ai eu la chance de grandir auprès de parents mĂ©decins dans des milieux très brassĂ©s de la banlieue lilloise. Très marquĂ©e par le scoutisme j’y ai acquis la passion pour les parcours individuels des gens, pour la psychologie et la complexitĂ© humaine me permettant de percevoir immĂ©diatement l’intĂ©rĂŞt de suivre les gens sur le long terme. J’ai ainsi appris Ă  prendre de la hauteur en rĂ©inscrivant les passages Ă  l’acte dans une histoire de vie, consciente que je ne devais pas juger en moraliste mais selon les faits.

Comment vivez-vous cette obligation de distance par rapport Ă  votre système de valeur ?

P.F. La justice est un milieu très laïque dans lequel il est indispensable d’être neutre et ouvert. Contraint à cette neutralité et au devoir de réserve, il est possible de vivre sa foi en accentuant le côté humain dans les contacts avec les justiciables. On ne peut témoigner que par ses actes en milieu professionnel, imprégnés d’une impartialité subjective (de la pensée) et objective (liée à sa façon d’être), tout en essayant de ne pas s’effacer complètement.

Lors de mon arrivée à Amiens, j’avais un peu plus de trente ans et je suis arrivée dans une région où je ne connaissais personne. Très vite, j’ai découvert la spiritualité ignacienne grâce à un pèlerinage à Jérusalem avec Hubert Hirrien (alors aumônier national) très marquant pour moi. Je l’ai ressenti comme un appel et au retour, j’ai rapidement intégré une équipe MCC dans laquelle je me suis toujours sentie très bien.

J’ai pu rencontrer des gens exerçant au mĂŞme niveau de responsabilitĂ© que moi ; nous avons appris Ă  connaĂ®tre la ville ensemble, fortifiĂ©s par ce climat d’amitiĂ© et de confiance. J’y ai puisĂ© un grand soutien moral qui m’a permis de vivre la dimension missionnaire de la vie chrĂ©tienne incarnĂ©e notamment par le MCC. J’ai aussi pris des responsabilitĂ©s en Ă©tant correspondante JP Ă  Amiens.

Vous venez d’être mutĂ©e Ă  Paris et avez intĂ©grĂ© une nouvelle Ă©quipe MCC. Comment voyez-vous l’avenir ?

P.F. Je vis actuellement un gros changement avec un poste beaucoup plus technique qui me demande de m’adapter. Ce nouveau poste me donne beaucoup moins de libertĂ©, d’autonomie et de disponibilitĂ© ; mes dossiers sont plus pointus. Comme toutes les femmes de mon âge, je dois trouver un Ă©quilibre entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle soumis au dĂ©fi du discernement prĂ´nĂ© par le MCC. Mon mariage Ă  l’étĂ© prochain me fait rĂ©flĂ©chir Ă  mes prioritĂ©s ; tant que j’ai Ă  traiter des problèmes humains, je suis heureuse. Ma nouvelle manière de rĂ©enchanter mon travail reste Ă  inventer !

Propos recueillis par Solange de Coussemaker

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