Presses universitaires de France – 2025

432 pages

Publié le : 21/09/2025

2 minutes

lu

A l’assaut du réel

Gérald Bronner

Gérald Bronner, professeur de sociologie à la Sorbonne, poursuit dans ce livre ses recherches sur le partage des croyances et la diffusion des idées collectives, pour aborder la « post-réalité ». Depuis l’aube de l’humanité, l’homme cherche à repousser les limites qui lui sont imposées par le réel : il y a une lignée continue entre le mythe d’Icare et certains slogans extrêmes de mai 68.

Les développements de la technologie, biotechnologies, nanotechnologies, intelligence artificielle boostent cet appétit : ce qui n’était que rêve pourrait-il devenir notre avenir ? En outre, le rêve n’est plus à dimension collective, mais sa réalisation serait celle du moi profond.

L’explosion des mondes virtuels peut donner à chacun une occasion de vivre une autre réalité et même d’y développer des relations avec d’autres adeptes dans un monde où tout deviendrait possible. L’attrait pour ces nouvelles formes de paradis artificiels et la multiplication fulgurante des « fake news « sont bien perçus de tous, mais rappelés dans le livre de façon très percutante.

Mais ce qui est moins connu et beaucoup plus troublant est le débat qui enfle au sein même du monde universitaire entre les tenants d’une science établie sur des faits, certes toujours à revérifier, mais qui seraient de portée universelle et ceux qui estiment que la réalité serait par nature plurielle, chacun pouvant avoir la sienne en fonction de son « ressenti » ou de sa situation personnelle.

Sur un autre registre et pour couronner le tout, l’auteur évoque le transhumanisme, dont l’objectif est de permettre à l’humanité de s’affranchir de toutes limites, dont celle de la mort. Pour lui, toutes les formes de « trans » en sont les prémices. A côté des transgenres dont les médias parlent souvent, Bronner évoque les cas de trans-racialité, les cas de trans-âge, les affirmations de porosité entre l’humain et l’animal, voire entre l’humain et lé monde végétal ou minéral. Les théoriciens soutenant ces démarches jettent les bases d’une nouvelle religion d’autant plus troublante qu’elle vise à rétablir une unité dans l’amour, brisée par toutes les dualités sources de division.

Le lecteur comprend que l’auteur se met à grande distance de ces tendances collectives ; mais, en tant que scientifique, il ouvre nos yeux sur l’ampleur d’une évolution des modes de pensée qui s’opère devant nous de façon plus rapide que ce nous pouvons en penser.

Arnaud Laudenbach

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