Mgr Laurent Percerou

Evêque de Nantes

Mgr Laurent Percerou

Evêque de Nantes

Publié le : 05/12/2025

6 minutes

enseignement social

Le travail, source d’espérance

“Le travail doit être une source d’espérance et de vie, qui permet d’exprimer la capacité de l’individu à faire le bien” nous dit Léon XIV. Eclairage par Mgr Percerou.

Le travail dépasse la simple nécessité économique. Il est un espace où la fraternité peut s’épanouir, où l’Évangile peut devenir concret : être témoin du Christ dans la vie professionnelle, c’est participer, de l’intérieur, à la construction du Royaume de Dieu. 

Dans Fratelli Tutti, le pape François nous invite à construire une fraternité ouverte, qui « permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne, indépendamment de sa proximité physique » (FT §1). Le travail est un de ces lieux où la proximité, la diversité, la confrontation, la coopération deviennent un laboratoire de fraternité. En ce sens, nous pouvons dire que le monde du travail est un terrain missionnaire. 

Le travail comme lieu de croissance en humanité 

Dès la Genèse, Dieu confie à l’humanité la mission de prendre soin de la terre (Gn 2,15). Saint Jean-Paul II interprète cette vocation de l’homme dans l’encyclique Laborem Exercens : « En travaillant, l’homme se réalise lui-même et devient plus homme » (§9). Le travail ne consiste pas seulement à faire quelque chose, mais doit être un lieu de croissance en humanité.  

Dieu envoie chacun de nous dans ce monde du travail tel qu’il est — parfois dur, parfois injuste, souvent magnifique — afin d’y faire resplendir son amour. Le pape François rappelle à cet égard que la mission chrétienne consiste d’abord à “être des artisans de paix disposés à élaborer avec intelligence et audace des processus pour guérir et pour se retrouver” (FT). Quelle que soit la nature de notre profession, cet appel est à mettre en œuvre sur notre lieu de travail. 

Dieu envoie chacun de nous dans ce monde du travail tel qu’il est — parfois dur, parfois injuste, souvent magnifique — afin d’y faire resplendir son amour

C’est là qu’est le Christ nous attend en donnant chair, consistance à son évangile, dans les relations entre salariés, dans les décisions que nous avons à prendre au sein des structures qu’il nous faut faire vivre et transformer si nécessaire, dans les projets auxquels nous participons.  

Missionnés pour évangéliser nos lieux de travail et apporter l’espérance 

Nous sommes invités à répondre à l’appel missionnaire du Christ : “Allez dans le monde entier, de toutes les nations faites des disciples”. Le monde du travail fait pleinement partie de ce vaste monde à évangéliser. Et notre responsabilité de chrétien est de porter prioritairement attention aux plus fragilisés, à ces “invisibles” du monde du travail.  

Le pape François porte ce message d’espérance que l’injustice n’est pas invincible. Nous sommes envoyés pour humaniser le travail. “Le travail est pour l’homme et non l’homme pour le travail”, rappelait le Pape Jean-Paul II. Ce principe est un critère missionnaire.  

Il s’agit en effet au nom du Christ venu se faire serviteur d’une humanité blessée, de défendre la personne avant le profit et sa dignité avant la performance. Cette mission est à vivre auprès de celles et ceux qui connaissent des conditions dégradantes et dégradées dans le travail, travailleurs précaires, ceux qui ont un travail qui n’est jamais valorisé et qui pourtant est indispensable pour notre vie en société. 

Relire et discerner pour une action missionnaire plus ajustée 

Pour mener à bien cette mission, nous pouvons nous exercer, en équipe, à discerner comment “le Seigneur passe” dans le quotidien de votre vie et nous efforcer ainsi de vivre une foi incarnée dans nos choix professionnels.  

Le temps du discernement et de la relecture permet une action missionnaire plus lucide et plus ajustée, en acceptant, au nom de l’Évangile, des responsabilités professionnelles mais également syndicales.  

Et pour celles d’entre vous, celles et ceux qui exercent des responsabilités de direction, cette mission se concrétise dans les choix concrets de gouvernance, de management et d’investissement qui privilégient le service de l’homme et la protection de la création. 

Lire aussi : Rendre compte de l’espérance qui est en nous

Le travail comme lieu propice où vivre la rencontre 

Dans tous les cas, il s’agit de “reconnaître à chaque personne d’un frère, une sœur” (FT, 1) de tisser des relations, de refuser les logiques deshumanisantes, de faire du lieu de travail un espace de justice et de bienveillance. La mission consiste avant tout à humaniser, parce qu’humaniser, c’est être fidèle au mystère de l’incarnation : Dieu s’est fait homme en Jésus afin que l’homme devienne vraiment homme, à son image, lui qui est l’homme parfait.  

Dans cette proximité imposée de nos lieux de travail, Dieu nous ouvre un chemin missionnaire : se faire proche de celui ou celle qui souffre, construire la confiance, favoriser le dialogue, prendre soin 

Le pape François insiste dans Fratelli tutti : “La vraie rencontre ne se réalise pas par des moyens virtuels, mais pas la proximité”. Or le travail est un des rares lieux où cette proximité demeure réelle, quotidienne : on ne choisit pas ses collègues, on ne contrôle pas toutes les situations, on se confronte à des différences sociales ou culturelles. Dans cette proximité imposée, Dieu nous ouvre un chemin missionnaire : se faire proche de celui où celle qui souffre, écouter avant de juger, construire la confiance dans des environnements fragilisés, favoriser le dialogue lorsque la parole se crispe, prendre soin dans des contextes marqués par l’isolement ou la compétition.  

Emprunter ce chemin passe par la qualité de la relation, par la manière de gérer un conflit, d’accueillir un nouvel arrivant, de prendre position quand les consciences sont en jeu. C’est déjà cela, être missionnaire : “offrir l’amitié, la proximité de la fraternité” (FT,3). Et nous savons combien le monde du travail a un immense besoin de cette présence évangélique. 

Le travail est un lieu où se joue aujourd’hui des pépites évangéliques : la fraternité, la dignité et la justice

Apprendre à unir foi et action, prière et responsabilité, engagement et charité, à valoriser la communion plutôt que la recherche de pouvoir : c’est là la responsabilité de chaque chrétien. Faire de son lieu de travailler un lieu où les personnes sont respectées, reconnues, reliées. Le travail est un lieu où se joue aujourd’hui des pépites évangéliques : la fraternité, la dignité et la justice.  

Soyons des semeurs de paix, des acteurs d’espérance 

Le Seigneur nous envoie dans ce monde professionnel pour y semer la paix, pour y construire la fraternité, pour y défendre la dignité, pour y manifester la proximité de Dieu, pour y témoigner de la joie de l’Évangile. 

Que l’Esprit Saint vous donne la force d’être des missionnaires de la fraternité là où vous travaillez. Que votre présence transforme les relations. Que vos décisions fassent grandir la justice. Que vos gestes ouvrent un chemin de communion. Et que votre travail devienne un lieu où l’Evangile rayonne ! 

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