Actes Sud ? 2025

471 pages

Publié le : 25/11/2025

2 minutes

lu

Le Fou de Dieu au bout du monde

Javier Cercas

Qu’est-ce qui a poussé le Vatican à solliciter Javier Cercas, romancier catalan, athée et anticlérical, à accompagner le pape François en Mongolie en 2023 ? Cercas a fini par accepter pour avoir l’occasion de poser au pape une question centrale de la foi, afin de rassurer sa propre mère, croyante profonde. Ce n’est qu’à la fin du livre qu’on a la réponse du pape, mais auparavant, on a celles de nombreux interlocuteurs, religieux ou non. Même si le lecteur saute quelques pages de ce long livre, il faut lire la fin très émouvante.

Le Vatican avait donné carte blanche à Cercas ; c’est cette liberté qui fait une grande part de l’intérêt du livre. L’auteur connaît très bien l’histoire de l’Église catholique, son credo, les hommes et les femmes qui l’ont formé et en parle avec intelligence et sensibilité.

Sans adhérer à cette Eglise, il la connaît sur le bout des doigts et pourtant, il sait se laisser étonner. Il rapporte de façon détaillée tous les entretiens passionnants qu’il a eus, trouvant souvent une complémentarité avec son interlocuteur, exprimant aussi ses objections. Les témoignages des missionnaires qui sont allés là où personne ne va l’ont touché au cœur. On pourrait croire que Cercas avait un enregistreur dans sa poche à chaque entretien, ou bien il a une mémoire prodigieuse pour tout transcrire chaque soir dans son hôtel.

A travers toutes ces rencontres, se dégage une vison originale du monde, au moins du monde vu depuis Rome ; le lecteur lui-même est invité à se décentrer.

Par bribe, Cercas essaye aussi de percer le secret de Bergoglio – c’est ainsi qu’il le nomme souvent, même après son élection à la papauté. Dans cette recherche, appuyée sur les étapes qui ont marqué sa vie, Cercas montre une grand finesse psychologique, que l’on perçoit nettement dans chacune des autres rencontres.

En sollicitant cet auteur, l’entourage de François savait-il ce qui en ressortirait ? Imaginait-il que même un écrivain athée pouvait être un messager pour nous rappeler que, sans la fougue de la mission pour aller aux périphéries, l’Église n’aurait plus de sens ?

Arnaud Laudenbach

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