Marc Renner
Membre d’Eccleria, professeur des universités puis directeur d’école d’ingénieurs
Marc Renner
Membre d’Eccleria, professeur des universités puis directeur d’école d’ingénieurs
témoignage
L’IA générative, l’envers du décor
A travers trois exemples, Marc Renner nous livre son expérience en tant qu’utilisateur attentif de l’IA dans son domaine d’activité, à savoir l’enseignement supérieur et la recherche.
La déferlante de l’IA générative nous a appris en quelques années à maîtriser l’art du « prompt », à savoir de la manière de questionner l’IA et d’échanger avec elle, ainsi que de choisir l’une ou l’autre intelligence artificielle selon la question à traiter.
Pour aborder ce sujet, j’ai choisi trois exemples d’usage de l’IA, très différents en termes de prise de risque au regard de la confidentialité des données et de l’ouverture ou non de ma démarche aux data de l’internet.
Conservation et protection de mes données sur mes propres serveurs
Je confie à l’IA le développement d’un code de programmes d’études statistiques et de création d’outils d’analyse multivariée de données.
L’IA interrogée, en l’occurrence CLAUDE (Anthropic), produit des lignes de code sur la base de prompts très précis en termes d’attente de résultats et de leur présentation graphique. Plusieurs itérations sont nécessaires pour aboutir à une production satisfaisante.
L’interlocuteur de l’IA, doit parfaitement maîtriser le sujet afin de détecter d’éventuelles erreurs voire de corriger lui-même certaines lignes de code.
Le gain de temps est toutefois substantiel et les présentations graphiques sont homogènes. Elles peuvent répondre à des normes que l’on peut dicter à l’IA lors des prompts. A aucun moment, l’accès aux données réelles n’est donné à l’IA.
Recherche d’informations dans ma propre bibliothèque de données
Je travaille avec mes propres documents, mais … je confie les recherches à un opérateur externe doté d’intelligence artificielle
Nous avons interrogé NotebookLM (Google) dans le cadre de recherches pour préparer une réunion d’équipe Eccleria, sur la base de 20 numéros de la revue Responsables (MCC) de 2019 à 2024.
A titre d’exemple, si l’on interroge l’IA sur « comment je peux vivre ma foi dans le monde professionnel », elle nous guide vers une centaine de références dont les encycliques du Pape François. Si l’on précise « sur la base d’exemples vécus en équipe ? », l’IA restreint les réponses à une trentaine de références relatives à des expériences de réunions d’équipes MCC rapportées par la revue du mouvement.
Ce type de démarche limite les recherches aux documents que je sélectionne. Elle donne toutefois accès à l’IA à mes sources. En revanche, elle facilite amplement la recherche documentaire.
Analyse confiée aveuglément à l’IA
J’ai besoin d’aide face à une situation complexe, je ne maîtrise pas ou peu le sujet.
Par exemple, je souhaite déchiffrer un texte ancien manuscrit en allemand, du milieu du 19ème siècle. Sur la base d’une page scannée transmise à ChatGPT (Open AI) et de quelques prompts, l’IA me précise le type d’écriture manuscrite utilisée, à savoir : « Merci pour l’image. C’est un texte manuscrit en vieil allemand (Kurrentschrift), ce qui peut être assez difficile à lire. J’arrive à déchiffrer certaines parties, mais il faudra peut-être faire ça étape par étape, car l’écriture est ancienne et parfois peu lisible. »
Dans une seconde démarche, l’IA produit le résumé de la page traduit en français, en l’occurrence : « Je vais te donner une traduction globale du sens de la page, sans forcément transcrire chaque mot, mais en restituant l’idée générale. »
L’usage systématique de ce genre de requête pour procéder aux apprentissages présente un réel danger.
Cet exemple illustre un questionnement de l’IA très largement ouvert à l’Internet sans aucune forme de confidentialité quant à mes propres données. Il me faudra de surcroît affiner l’analyse, probablement phrase par phrase du texte manuscrit, pour avoir la garantie que le résultat de la traduction soit conforme au texte original. Le résultat est toutefois inespéré, mais la prise de risque est élevée.
L’usage systématique de ce genre de requête pour procéder aux apprentissages présente un réel danger. Sans vérifications, une confiance aveugle accordée à l’IA peut certes permettre de gagner du temps, mais aussi conduire à des impasses.
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