Les éditions du Bien Commun, 2025
298 pages
lu
Après les temps modernes
Edifier ensemble le monde qui vient
Scientifique de formation, Gilles Hériard Dubrueil, aujourd’hui décédé, a été un homme de terrain, expérimentant de nouvelles formes de gouvernance démocratique, notamment dans les contextes de catastrophes ou de risques nucléaires. Le présent livre est le testament de son travail.
« Après les temps modernes » : pour l’auteur, la modernité, avec la première place donnée aux faits et aux chiffres reléguant le qualitatif et les valeurs humaines, a fait perdre aux humains le sens des « communs » et l’expérience de leur gestion partagée. Les hommes ont abdiqué leurs responsabilité pour trouver ensemble des solutions conciliant leurs désirs souvent opposés. Ils se sont laissés déposséder par l’État d’un côté, par le marché de l’autre.
L’État contrôle les conflits en édictant des normes et des lois, mais les citoyens ont l’impression de n’avoir plus de prise sur eux : elles se développent par elles-même comme un cancer. De son côté, le marché est sensé garantir l’équilibre le plus satisfaisant pour tous avec une omniprésence qui empêche tel groupe local de s’organiser différemment.
Sans aucunement nier les bénéfices de la science et du progrès technique, Hériard Dubreuil met en évidence les impasses vers lesquelles cette modernité nous conduit. Pour lui, l’ère de la modernité est déjà morte et un monde nouveau est en émergence, mais sans ligne définie à l’avance. C’est à nous de la définir pas à pas. De ce point de vue, l’auteur fait confiance dans nos capacités pour nous organiser et gérer les « communs » à l’échelle la plus appropriée en tenant compte des besoins et des aspirations de chacun.
L’auteur donne des points de repère pour bâtir une culture démocratique donnant à chacun une véritable mission politique, permettant d’« unifier les dimensions de la personne qui ont été dissociées par la fracture entre l’homme et le citoyen ». Il ne s’agit pas d’une démarche descendante, elle doit partir de la diversité des solidarités locales. L’ancrage territorial est un élément majeur pour que l’édifice se construise sur des bases solides.
Ce livre dense, parfois un peu difficile, s’ancre dans une filiation de pensée ancienne, qui s’est ramifiée depuis une centaine d’année, avec des apports de philosophes, d’anthropologues,de scientifiques, d’urbanistes, voire même de poètes ou d’écrivains.
Arnaud Laudenbach
