Alban

Journalise, membre du comité de rédaction

Alban

Journalise, membre du comité de rédaction

Publié le : 07/07/2025

5 minutes

reportage

À Saint-Hugues de Biviers, Laudato Si’ prend racine 

En Isère, un centre spirituel ignatien explore une nouvelle manière de vivre la foi à l’heure de l’urgence écologique. Reportage au cœur de cet écrin de verdure, niché entre ciel et montagne.

Sur les hauteurs de Grenoble, au cœur d’un paysage alpin où le ciel semble frôler la terre, un centre spirituel ignatien s’est discrètement métamorphosé en un laboratoire de l’écologie intégrale. Le centre Saint-Hugues, installé à Biviers, est bien plus qu’un simple lieu de retraite ou de silence. C’est aujourd’hui un témoin vivant de la fécondité de Laudato Si’, l’encyclique du pape François publiée en 2015, qui appelle les catholiques (et au-delà) du monde entier à une conversion écologique profonde. Ici, ce texte majeur n’a pas été lu pour être rangé. Il a été accueilli comme une boussole, une mise en route, un appel à transformer la spiritualité chrétienne en actes concrets au service de la planète.

Un forum fondateur

« Tout a commencé par la cuisine », raconte Elizabeth Debeunne, responsable de la communication du Centre. « Auparavant, elle était externalisée ; nous avons décidé d’engager une cuisinière, et de mettre l’accent sur les produits locaux, bio et de saison. Les repas, cela peut sembler accessoire dans une retraite, mais on est dans le concret, au cœur de la spiritualité de Saint-Ignace ! ». 

L’histoire du centre Saint-Hugues raconte déjà quelque chose de cette capacité à se réinventer. D’abord domaine rural en 1634, devenu couvent dominicain au XIXe siècle, puis maison de repos pour ouvrières, le lieu prend une tournure nouvelle en 1963 lorsqu’il devient un centre spirituel ignatien animé par les jésuites. En 1993, la Communauté de Vie Chrétienne (CVX), mouvement de laïcs inspiré par la spiritualité de saint Ignace, prend le relais. Ce passage à une gouvernance laïque marque le début d’une dynamique d’ouverture et d’ancrage dans les enjeux du monde contemporain.

Lire aussi : L’engagement écologique de Saint-Hugues

C’est dans cette orientation qu’arrive l’onde de choc de Laudato Si’. En affirmant que “tout est lié” – l’homme, Dieu, la nature, les plus pauvres – le pape François bouleverse la manière dont les catholiques perçoivent leur responsabilité écologique. À Saint-Hugues, ce message résonne immédiatement.

Dès 2015, un forum baptisé “Écologie : bonne nouvelle !” initie un processus de réflexion et d’action. Il s’agit d’entrer concrètement dans une démarche de conversion écologique, en repensant non seulement les activités proposées, mais aussi l’organisation matérielle du lieu. Rapidement, un diagnostic est réalisé, et Saint-Hugues s’engage dans la labellisation Église Verte. « Nous n’avons pas fait de grand plan, précise Elizabeth Debeunne. Tout s’est fait petit à petit, en fonction des besoins et des finances du centre ».  

Menus et pâturages 

Après la cuisine, les bâtiments sont isolés, le chauffage régulé, les déchets mieux triés. Les menus intègrent désormais davantage de plats végétariens, et le jardin potager fournit une partie des légumes frais, ainsi que des plantes aromatiques. En parallèle, le parc évolue : un pâturage pastoral y voit le jour, et un diagnostic de biodiversité est mené avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux. Même la chapelle est rénovée dans une logique durable et communautaire : matériaux respectueux de l’environnement, meilleure circulation de la lumière naturelle, et mobilier éco-conçu. 

En parallèle, le parc évolue : un pâturage pastoral y voit le jour, un diagnostic de biodiversité est mené avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et un partenariat est noué avec Terre Vivante, centre écologique de référence. Même la chapelle est rénovée dans une logique durable et communautaire : matériaux respectueux de l’environnement, meilleure circulation de la lumière naturelle, mobilier éco-conçu.

Une conversion ancrée dans la spiritualité

La transition écologique à Saint-Hugues ne se limite toutefois pas à l’intendance. Elle irrigue aussi la vie spirituelle. Des groupes réguliers de lecture de Laudato Si’ se créent peu à peu, et des retraites sont proposées sur le thème de l’écologie intégrale. Les jeunes adultes peuvent désormais participer à des sessions immersives mêlant prière, formation et ateliers pratiques. Parmi elles, la session “Magis Écologie”, coorganisée avec le réseau Magis, attire chaque année une quarantaine de jeunes désireux de vivre leur foi en cohérence avec les enjeux environnementaux. Ces temps forts permettent à chacun de relier contemplation et engagement, silence et action, dans un esprit profondément ignatien. 

A côté des retraitants, le centre Saint-Hugues accueille également des entreprises, pour des journées de récollection. « C’est en général très apprécié. Nous mettons une salle à leur disposition, et proposons des animations dans le jardin. Cela leur permet de goûter à la paix et à la beauté du lieu ». 

L’exemple de Saint-Hugues est emblématique d’un mouvement plus vaste en France : de nombreuses communautés chrétiennes, diocèses et mouvements s’inspirent désormais de Laudato Si’ pour repenser leur rapport au monde, aux autres et à Dieu. Ce lieu, niché entre ciel et montagne, montre que la spiritualité chrétienne peut s’enraciner dans la terre avec audace, humilité et espérance.

À Saint-Hugues, Laudato Si’ n’est pas une simple lecture spirituelle : c’est une semence vivante, devenue un arbre aux racines profondes, et aux fruits déjà visibles.

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