Solange de Coussemaker

Comité de rédaction

Solange de Coussemaker

Comité de rédaction

PubliĂ© le : 13/07/2020

5 minutes

reportage

Dans les coulisses d’un restaurant solidaire

Mardi 10 mars, 14h, les aumĂ´niers et accompagnateurs spirituels du MCC en session dĂ©couvrent un lieu surprenant, nichĂ© au bout d’une allĂ©e pavĂ©e au 61 de la rue Victor Hugo Ă  Pantin : le Relais, un restaurant et centre de formation, pionnier de l’insertion par l’activitĂ© Ă©conomique dans la banlieue Nord-Est de Paris. Responsables s’est glissĂ© parmi eux.

Des inscriptions sur le mur, dans le style « street-art Â», avec le mot « solidaritĂ© Â» Ă©crit dans toutes les langues, accueillent les visiteurs. Très vite, ceux-ci dĂ©couvrent que le Relais est un restaurant-traiteur, presque comme les autres, mĂªme s’ils ont l’impression de se trouver dans la cour d’une usine : la forge et l’écurie attenante sont devenues la salle de restaurant.

Devant le groupe de visiteurs du MCC, rĂ©uni dans l’ancien grenier, Belkacem Kheder, fondateur des lieux, prĂ©sente l’entreprise Ă  laquelle il a consacrĂ© « 30 ans de sa vie Â». PortĂ© par une poignĂ©e d’hommes, le projet est une rĂ©ponse au sous-emploi de jeunes en errance, issus de l’immigration et du regroupement familial, dĂ©sÅ“uvrĂ©s, aux comportements parfois borderline, que personne n’attendait. Il naĂ®t de la rencontre, au dĂ©but des annĂ©es 1990, entre un homme, ancien Ă©ducateur, une Ă©poque, la fin des Trente Glorieuses, et un lieu, friche industrielle Ă  Pantin.

Le directeur gĂ©nĂ©ral Ă©voque ensuite sa passion pour la cuisine, transmise par sa belle-mère italienne, son dĂ©sir de crĂ©er un lieu de convivialitĂ©, ses multiples dĂ©marches pour faire avancer le projet de restauration des bĂ¢timents alors que les fonds manquent cruellement. Et dĂ©crit la contradiction « monstrueuse Â» devant laquelle il s’est retrouvĂ© au dĂ©but, Ă  l’époque de la crĂ©ation du revenu minimum d’insertion (RMI) : « je travaillais avec des gens cabossĂ©s qui ne savaient pas bosser, alors qu’on avait besoin d’eux ». Conscient que l’État ne peut pas rĂ©gler tous les problèmes, il participe, comme citoyen, au dĂ©marrage d’une entreprise d’insertion et obtient, Ă  force de dĂ©marches, les fonds nĂ©cessaires pour le projet.

Reprenant leur dĂ©ambulation, les aumĂ´niers dĂ©couvrent des locaux qui abritent Ă  la fois un restaurant et un centre de formation, pour des jeunes et des moins jeunes au service de salle et Ă  la cuisine. La cible prĂ©cisĂ©ment, ce sont des personnes aux prĂ©-requis très bas qui ne peuvent entrer dans les Ă©coles hĂ´telières. « Le souci de notre Ă©quipe pĂ©dagogique est de leur faire apprendre les savoirs de base pour leur permettre de calculer des proportions, les unitĂ©s de mesures, comprendre les recettes, lire les fiches techniques Â», poursuit celui que salariĂ©s et stagiaires appellent chaleureusement « Belka Â». Il souligne la difficultĂ© d’inculquer des savoir-Ăªtre (Ăªtre fiable, notamment sur les horaires…) et un peu de culture, qui ne peuvent s’acquĂ©rir que par l’expĂ©rience. Pour lui, le plus important est de recruter des candidats motivĂ©s : « on est lĂ  pour donner de l’oxygène mais on ne peut respirer Ă  la place des gens. On est très attentifs Ă  l’humain mais on est aussi capables de taper sur la table quand cela ne va pas Â». Le Relais a ainsi formĂ© plus de 5 000 agents de restauration, cuisiniers et serveurs en salle depuis son ouverture. Yveline Michel, au sourire contagieux et rencontrĂ©e Ă  la cafĂ©tĂ©ria, est arrivĂ©e en formation en 2018. Après avoir obtenue le titre professionnel de cuisinière, elle occupe depuis 2019 le poste de pĂ¢tissière. Elle se montre « fière d’avoir rĂ©alisĂ© son rĂªve Â» et d’avoir trouvĂ© sa place dans la sociĂ©tĂ©.

Flashback au dĂ©but des annĂ©es 2011. L’entreprise prend la forme d’une sociĂ©tĂ© coopĂ©rative d’intĂ©rĂªt collectif (SCIC). GrĂ¢ce Ă  cette entitĂ© nouvelle, « la gouvernance est portĂ©e par les usagers, les collectivitĂ©s territoriales, les salariĂ©s et des personnes morales Â». En pratique, le conseil d’administration (CA) comprend vingt personnes dont sont issus des groupes de travail se rĂ©partissant les tĂ¢ches ; ces derniers sont composĂ©s aussi de sociĂ©taires apportant leurs compĂ©tences prĂ©cieuses (RH, communication, finance, gestion, juridique, hygiène et sĂ©curité…). Le projet, qui s’est structurĂ© au fil du temps, appartient Ă  tous ; la SCIC permet de le faire porter par le plus grand nombre et a contribuĂ© Ă  faire rentrer le tout dans un cadre juridique solidaire et citoyen.

Ă€ la question de l’avenir, Belka Kheder rĂ©pond très simplement : « Je pense Ă  la relève, j’ai donnĂ© tout ce que j’avais Ă  donner durant trente ans Â» ; mais « une main toute seule n’applaudit pas et un chef d’orchestre sans musiciens ne peut pas faire de concert. Ma prĂ©occupation quand je recrutais ces dernières annĂ©es pour des postes stratĂ©giques, c’était de trouver des gens partageant notre vision. On a pensĂ© Ă  une direction partagĂ©e mais le CA a dĂ©cidĂ© de me remplacer par quelqu’un venant d’une ONG, avec mission de mettre en place dans deux ou trois ans cette forme de direction. La relève est donc lĂ  Â».

C’est fortifié par leur rencontre avec un homme à l’énergie inépuisable, déployant un humanisme au service de l’insertion d’un public défavorisé, que le groupe MCC quitte Pantin pour regagner Issy-les-Moulineaux.

Pour aller plus loin

Partager sur les réseaux